En relatant en image la vie de Marie-Antoinette, Benjamin Lacombe s'attaque ici à l'Histoire avec un grand H. L’artiste raconte, via les notes personnelles (fictives) de Marie-Antoinette, l’histoire de cette femme-enfant archiduchesse d’Autriche qui, sous le joug de sa mère Marie-Thérèse, épousa à l’âge de 14 ans à des fins diplomatiques le dauphin Louis XVI. Elle devint Reine de France à l’âge de 18 ans, et rapidement la reine la plus détestée de France.
L’image de cette jeune reine au destin tragique est présente dans l'imaginaire de chacun. Qui ne se souvient pas de la Marie-Antoinette rose bonbon friante de macarons de Sofia Coppola?
Marie-Antoinette par Sofia Coppola |
La Marie-Antoinette de Benjamin est quant à elle pleine de contraste à la fois enfant et adulte, comme ce fut certainement le cas à l’époque. Tout au long du livre, Benjamin a glissé des allusions historiques ou plus personnelles, mêlant ainsi son imagination à la description historique de Marie-Antoinette.
Portrait historique de Marie-Antoinette en 1785 et plus bas l'interprétation imagée de Benjamin |
Dans cet ouvrage, Benjamin représente cet univers féminin, acidulé, raffiné de la reine (la couverture du livre en est un bel exemple) et y mêle des clins d'oeil à la reine adolescente de Coppola ( la Marie-Antoinette de Benjamin Lacombe a aussi un faible pour les sucreries et livre quelques recettes dont celle des pistoles aux chocolats - l'image postée plus haut n'est pas non plus sans rappeler l'univers de Coppola). L'illustrateur reprend en double page le tableau de Fragonard, "Les Hasards Heureux de l'Escarpolette". Si ce tableau peint en 1767 ne représente pas historiquement Marie-Antoinette, Benjamin Lacombe y voit une belle analogie avec l'univers frivole de la jeune reine: ce "heureux hasard" de l'escarpolette permet aux hommes présents de contempler le spectacle qui s'offre à leur vue alors que la demoiselle sur une balançoire laisse coquinement voir ses jambes . Une image qui illustre toute la légèreté de l’enfance, qui prendra pourtant rapidement fin aves les nombreuses médisances originant de la noblesse elle-même, notamment de la comtesse Du Bary, maitresse de Louis XV, ( le grand-père de son mari). Les femmes présentes dans cette image illustrant bien les médisances naissantes contre la reine en devenir.
"Les Hasards Heureux de l'Escarpolette" peint par Fragonard |
Les représentations historiques sont également là. Ses extravagances vestimentaires avec un goût tout particulier pour les plumes stigmatisèrent Marie-Antoinette en femme coquette et les représentations de l'époque, reprises par Benjamin, s'amusaient de "La Poule d'Autruche/Autriche ». « Madame Déficit » est critiquée par le peuple qui reste perplexe face à la coquetterie de Marie-Antoinette alors que les finances du royaume sont au plus bas.
"La famille des cochons ramenée au bercail" alors que la famille royale fuit le palais des Tuileries, est une autre caricature reprise par Benjamin.
Le carnet secret de cette reine est ainsi très fidèle à la véritable histoire de Marie-Antoinette, de la princesse porcelaine étriquée dans un monde plein de conventions à la reine caricaturée et exécutée (la page de couverture est immédiatement suivie de la tête coupée de la reine…). Je vous encourage sur ce point à lire la très belle préface par l'historienne Cécile Berly qui fait le lien entre l'Histoire et l'oeuvre de Benjamin.
Pourtant, au delà de ces représentations "traditionnelles", Benjamin ajoute son interprétation personnelle de cette figure emblématique de l'Histoire de France. Comme il l'avait déjà fait avec les petits lapins d'Alice, ce sont ici les petits moutons blancs comme neige qui sont en réalité assez effrayants avec leurs yeux rouges.
Comme à son habitude, Benjamin montre son amour pour les animaux à travers son oeuvre. A la frontière française, Marie-Antoinette doit se séparer de sa petite chienne, Mops, mais les chiens (un nouveau clin d'oeil à Virgile) accompagneront Marie-Antoinette jusqu'à la fin de son règne, et de sa vie.
La Marie-Antoinette de Benjamin Lacombe est aussi très sexualisée, un premier contraste femme-enfant illustrée magnifiquement par l’artiste.
Marie-Antoinette, encore très jeune, n'est pas sûre de sa féminité. Le dauphin Louis et la jeune reine sont tous deux très inexpérimentés et leur mariage restera non consommé pendant de nombreuses années. A travers son illustration, Benjamin illustre ce paradoxe: le roi Louis XVI, pourtant serrurier et forgeant au quotidien des clés, ne parvient pas à ouvrir la porte secrète de sa femme. Privant ainsi par la même la France de son prochain roi. Le peuple, qui s’étonne de ce mariage infécond, n’est pas tendre avec la reine, qui la soupçonne d’adultère. La reine est traitée de catin. Pourtant, seule sa relation avec le suédois Alex de Fersen est aujourd’hui reconnue par les historiens.
Une enfant certes, mais qui dois faire face à des problèmes d’adultes, notamment avec un des événements les plus terribles qui peut ponctuer une vie, la perte d’un enfant. Louis-Joseph, deuxième enfant du couple royal et premier dauphin de Louis XVI, fut dès sa naissance d’une santé très fragile, souffrant de fièvres, de douleurs aux vertèbres. Il meurt à l’âge de 7 ans (sans doute d’une tuberculose osseuse) peu avant la révolution dans la nuit du 3 au 4 juin 1789. Cet événement laissera la reine totalement dévastée.
Sous la révolution, elle continue de défendre l’autorité monarchique. Au cours d’un procès peu équitable qui débute le 14 octobre 1793, elle sera accusée de haute trahison. Elle est condamnée à mort le 16 octobre.
Portrait de "Marie-Antoinette à la rose" par Elisabeth Vigée Le Brun en 1783 et l'interprétation par Benjamin de ce portrait |
Enfant devenue adulte si rapidement, Marie-Antoinette est un personnage qui fascine aujourd’hui. Son attitude frivole et insouciante contraste avec les difficultés de la France de cette époque. Pourtant, sans lui chercher d’excuse, on peut comprendre à travers les dessins et les écrits fictifs de ce livre que Marie-Antoinette n’était qu’une enfant, engoncée dans un monde de porcelaine qui a fini par se briser. Benjamin Lacombe ne réécrit pas l’histoire. Il en apporte son interprétation personnelle.
La haute perruque dont Benjamin coiffe Marie-Antoinette renferme les élément centraux dans la vie de la reine: la coqueterie (les fleurs), son amour pour sa chienne, ses difficultés conjugales (une serrure sans clé) mais aussi et surtout une fin tragique (une tête de mort).
Les informations sur le livre
Marie-Antoinette - Carnet secret d'une reine
Edition Soleil, collection Métamorphose
Album relié 24,8 x 29,5 x 1,5 cm
Parution 3 décembre 2014
192 pages
25 euros
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Les petites anecdotes
Le livre a été réédité le 12 novembre 2015, soit à peu près environ une année après la sortie du livre. Cette nouvelle édition présente non seulement une nouvelle couverture, mais certains dessins ont été changés, comme c'est par exemple le cas pour l'illustration qui accompagnait le thème de la mort de Louis-Joseph. Cette édition est très soignée avec une tranche dorée et un nouveau papier et une impression des couleurs un peu plus vives. Comme c'est souvent le cas quand il y a une réédition, la première édition du livre est désormais plus difficile à trouver, ou en tout cas à des prix plus élevés.
Pour finir, rien que pour vos yeux...
Exposition Marie-Antoinette
Institut Français de Madrid
Du 10 décembre 2015 au 22 janvier 2016, les lecteurs espagnols ont eu la chance de pouvoir se rendre à l'Institut Français de Madrid pour assister à une exposition autour de Marie-Antoinette et de l'oeuvre de Benjamin. En plus de l'exposition où étaient exposées les oeuvres de Benjamin, l'illustrateur y a donné des conférences et masterclass.
Poupée crée par Julien Martinez
Cette poupée a pu être admirée notamment au cours de l'exposition à Madrid, ou de l'exposition "Mad tea Party" en novembre 2015 à Paris
Exposition "Mad Tea Party" en 2015 |
Exposition "Éphémère" en décembre 2013 L'original de cette oeuvre a été vendue au cours de cette exposition à un admirateur américain |
Promotion Marie-Antoinette
La sortie du livre s'est accompagnée d'une belle promotion avec de nombreuses affiches présentes dans les rues de Paris.
Sur les traces de Marie-Antoinette
En 2014, Benjamin Lacombe et Sébastien Pérez ont visité le salon de porcelaine de Schönbrunn en Autriche, salon qui servait de salle de jeux et de travail à Marie-Antoinette lorsqu'elle était enfant, et que l'on retrouve en couverture de la première édition du livre.
Photo du salon de porcelaine, repris fidèlement par Benjamin pour la couverture de son livre |
Goodies
Sac promotionnel offert lors du salon de Montreuil sur le stand soleil lors de l'achat du livre |
Dès 2010, des produits vendus par Benjamin reprenaient l'image de Marie-Antoinette - collection La Marelle, carnet et miroir
Pin par Mooncrane Studio
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